PHILIPPE HERBET - LES FILLES DE TOURGUENIEV

20/09/2013 > 02/11/2013

Les Filles de Tourguéniev
et autres histoires Russes
projet de Philippe Herbet

Il y a quelques années, à Vladivostok, mon amie Irina m'avait parlé des « Filles de Tourguéniev » dont elle se sentait très proche.

À l'origine, les Tourguenievskaya dievouchkas sont les héroïnes des romans d'Ivan Tourguéniev. Dans ses livres, il a réussi à créer une image très vivante des jeunes femmes de la « Russie profonde », vivant dans des propriétés de famille. Elles sont intelligentes, pas forcément belles au sens commun du mot, - mais toujours très attirantes -, pas très sociables, rebelles. Amoureuses du personnage principal du roman, elles sont prêtes à le suivre, malgré les contradictions, l'avis négatif de leurs parents et de leurs entourages.

Aujourd'hui, ce stéréotype s'est déformé, et on parle d'une fille de Tourguéniev pour désigner une personne romantique, idéaliste, tendre, démodée, sentimentale, touchante, poétique et fine, qui ne sait pas – ou ne veut pas - s'adapter complètement à la vie contemporaine.

Avec Irina, nous avions dressé une liste de qualificatifs des filles de Tourguéviev d'aujourd'hui :
manières délicates, modestes, raffinées, romantiques, simples, féminines - tout en ne se maquillant pas trop -, ni vulgaire, ni provocante, ni sexy, s'habille d'une façon rétro, s'intéresse à la littérature et à la musique classique, joue d'un instrument de musique, sait danser la valse, rougit lorsqu'elle entend des grossièretés, elle a des principes moraux bien établis et solides, appartient à différentes couches sociales, elle est dévouée, connaît des langues étrangères (Français ou Italien, le plus souvent), vit dans ses rêves…

J'ai donc commencé à photographier ces filles de Tourguéniev dans les campagnes de ce que j'appellerai la « Russie profonde » entre Bryansk, Smolensk, Orel (la région d'où Tourguéniev est originaire), Tambov, avec des incursions au Nord de l'Ukraine, à l'est du Belarus et aussi à Moscou.

J'ai voulu aussi intégrer des « scènes » liées à la vie de province, des paysages empreints de lenteur, de mysticisme, et ce, afin de former une série de petites nouvelles où le temps se joue de nous. Ce projet me permet aussi de prendre de la distance avec notre époque et le monde occidental dans lequel j'éprouve de plus en plus de difficultés à vivre.

C'est un univers simple, doux, enchanteur, avec un parfum d'éternité que je tente de saisir, de réinventer dans cette nouvelle série.

Ce sont les premières photographies de ce projet en cours.

Philippe Herbet
Ostachkov, juin 2013