Vers le milieu du jour

Iris Hutegger
09/04/2023 > 09/04/2023

Iris Hutegger


Vernissage le vendredi 28 avril de 19h a 22h.
Exposition du vendredi 28 Avril au samedi 22 juillet 2023

A propos des paysages photographiques cousus de Iris Hutegger.
Le point de départ du travail de Iris Hutegger est la photographie de paysage en noir et blanc. Ses paysages photographiés rappellent ceux monumentaux de la fin du 19è siècle de photographes tels que Timothy O’Sullivan (1840-1882), mais en même temps en offre une version plus douce, plus enracinée (ou ancrée), plus séculaire.
A la différence des paysages de O’Sullivan, ceux de Hutegger suggèrent la possibilité (ou la perspective) de marcher plutôt que d’arriver, la possibilité de chercher plutôt que de trouver. De plus, l’intérêt de l’artiste ne réside pas tant dans le résultat final de l’acte de photographier mais plutôt dans la matérialité du processus qui constitue la photographie. Hutegger étudie conceptuellement le mécanisme photographique, modifie et intervient sur ses résultats afin de questionner les axiomes sous-jacents du medium lui-même.
Par contraste avec la photographie traditionnelle, le travail de Hutegger ne se limite pas à imprimer une image sur du papier mais va au-delà. Dès que ses paysages deviennent des images imprimées, Hutegger les pénètre en trouant le papier avec une machine à coudre. Elle emmêle (ou recouvre) littéralement des parties des paysages dans des réseaux de fils cousus mécaniquement, créant par ce fait des trous, des creux et de espaces dans ses images imprimées.
En faisant cela, Hutegger montre et déconstruit l’une des caractéristiques fondamentales de la photographie : celle de transformer le monde en une surface plane et lisse.
En incorporant ses paysages de fissures, d’interruptions, d’expansion, les images cousues de Hutegger s’attaquent à l’illusion de persistance et d’intégrité de la photographie. Pour Hutegger, l’image imprimée n’est pas une surface frontale vue seulement d’un côté. Ses réseaux de fils cousus adressent l’autre côté de l’image, habituellement invisible et renié, mais sans le révéler.
Hutegger questionne la prétention de la photographie de pouvoir contrôler l’image du monde. Ses images cousues réfléchissent aux inconsistances de la réalité et de la vie, mettant en lumière et en pratique leur perméabilité. Alors que la photographie homogénéise et encadre la réalité, Hutegger redirige notre perception vers l’hétérogénéité et l’infini. Ses fils cousus libèrent l’image de son cadre, la réorganise en une entité changeante, modifiable, mouvante, en croissance.


Le travail de Hutegger combine deux instruments mécaniques : l’appareil photographique et la machine à coudre. Le premier est un mode d’activité standardisé tandis que la deuxième est plus imprédictible, non discipline, permettant à Hutegger de combiner mécanique objective et subjectif, le programmé avec l’expressif.
De plus, son travail combine aussi deux types de topographies, celle du paysage aplati par la photographie imprimée et celle qui lui est superposée : la topographie du réseau de fils cousus.
Les images imprimées cousues de Hutegger sont aussi un réel acte de couture. Tout en réalisant des fissures, des trous et des creux dans la surface lisse des photographies imprimées, elle les coud et les traite comme des peaux et des tissus blessés en voie de guérison, rendant la distinction entre l’image et le physique impossible.
Ory Dessau, Gand, Avril 2020


”Commençons par la disparition du réel...
Le destin de l'image étant exemplaire, car l'invention de l'image technique sous
toutes ses formes est notre dernière grande invention dans la recherche acharnée
d'une réalité „objective“, d’une vérité objective dont le miroir nous serait tendu par la
technique…“
Jean Baudrillard, Pourquoi tout n'a-t-il pas déjà disparu?

„L’image technique est une image produite par des appareils. Puisque les appareils
sont eux-mêmes des produits de l’application des textes scientifiques, les images
techniques sont les produits indirect de ces… derniers.“
Vilém Flusser, Pour une philosophie de la photographie

"...image - appareil - programme - information. Ces concepts doivent être les pierres
angulaires de toute philosophie de la photographie et permettent de définir la
photographie, et ils permettent la définition suivante de la photographie: celle-ci est
une image que des appareils produisent et distribuent conformément à des
programme; et cette image a pour fonction présumée d'informer.“
Vilém Flusser, Pour une philosophie de la photographie

Avec la machine à coudre, j'ai un outil de travail entre mes mains qui m'offre de nombreuses
possibilités : Sois que ma couture s’approche du dessin, sois qu’elle s’approche de la
peinture, ou qu’elle s’approche plutôt de la sculpture.
Avec le fil, je peux ajouter de la matière à l'image ou utiliser la couleur du fil pour retirer de
l'espace à l'image. Parfois, la couleur s'intègre à l'image, parfois elle s'en détache. La
couture me donne la possibilité de garder la structure ajoutée transparente, comme un filet,
ou de remplir complètement une surface d'image.
Je tisse la photographie avec la peinture. Je tisse la photographie avec le dessin et la
sculpture. Je tisse la réalité avec la fiction, l'instant avec la durée. L'image techniquement
reproductible redevient unique.


Je suis sculpteur.
Iris Hutegger