Philippe Herbet

07/09/2007 > 13/10/2007

Русские женщины
Femmes russes - Russian women - Russische frauen - Russische vrouwen - Donne russe


À Istanbul, les femmes russes s’affairent dans les quartiers d’Aksaray, de Laleli et de Beyazit. Elles ont une beauté étrange et troublante, elles marchent vite, moulées dans des robes courtes, le visage sévère. Un charme maladroit, parfois un peu vulgaire, très féminin. Une féminité que l’on n’a plus coutume d’apprécier en Occident.

Le charme slave ?

Souvent il m’est arrivé d’en suivre quelques-unes, d’admirer le galbe de leurs jambes sises sur des talons aiguilles, le rebondi onctueux et ferme du bas de leurs dos, l’arrondi de leurs épaules, le port noble de leurs nuques… Si elles ne sont pas riches, avec un rien — un tissu imprimé, un trait de khôl, un fard à la couleur inhabituelle, un coup de rouge à lèvres — elles font rêver les hommes. Un charme envoûtant.

Parfois, trop rarement, un regard, au moment de traverser une rue. Un regard froid à mon endroit. Elles disparaissent vite tout à leurs affaires, la plupart sont venues ici acheter des lots de vêtements.

J’ai retrouvé certaines d’entre elles — trop belles — dans des cabarets louches ou à l’entrée d’hôtels douteux. Elles tentaient d’échapper à leur destin.

Et j’ai fait leur chemin à l’envers, à rebours, je voulais les retrouver dans cette grande Russie qui me faisait tant rêver lorsque j’étais petit. Un antique navire blanc, la traversée de la mer Noire, l’arrivée à Odessa — sorte de terre promise — et elles, plus belles encore qu’à Istanbul.

Ensuite, je me suis engagé plus loin en Ukraine, en Crimée et à Kiev, j’ai pris des trains bleus, des sleepings avec des hôtesses de rêve ¬— et l’on rêve bien à bord de ces trains. J’ai fait d’autres voyages, d’autres allers et retours en ex-URSS, territoire pour lequel j’ai eu le « coup de foudre ». Là où l’on a ce luxe suprême de sentir le temps passer plus lentement, de ne pas aller trop vite, de laisser l’agitation ailleurs.

Minsk, Moscou, Leningrad, Mourmansk, Novosibirsk, Astrachan, Volgograd, Vladimir, Gorki… dans toutes ces villes j’ai été profondément ému par ces femmes russes, par leur courage de rester féminines dans un environnement économique difficile, parce qu’elles assument les rôles d’épouse, de mère, de maîtresse de maison, d’amante et de travailleur avec élégance.

La femme est la plus belle des aventures.

Philippe Herbet